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#RDVAncestral

Maman, on a faim

Février 1871

 

            En ce mois de février 2021, 2 de mes petits-enfants sont en vacances chez moi.

Tout d’un coup, j’entends Alexandre s’écrier : « Mamy, j’ai faim »

Oui, oui je vais préparer le repas, lui dis-je.

Mais me voilà revenue très exactement 150 ans plus tôt en février 1871.

Et je ne suis pas Odile, la Mamy, mais Héloïse Dumonceaux face à Charles et Anna ses enfants.

Nous habitons un petit logement au dernier étage d’un immeuble de la rue du Cherche Midi (15e arrondissement)

Joseph mon mari, est fondeur en caractères à l’Imprimerie Nationale. Il a 45 ans.

Je travaille moi aussi comme plumassière et j’ai 39 ans.

Nous avons 3 enfants vivant sous notre toit :

            Mathilde  a 15 ans et  travaille avec moi comme plumassière.

            Charles a 10 ans et est écolier à l’école de la rue de Vaugirard.

            Anna n’a que 6 ans et est aussi écolière comme son frère.

 

Charles, 10 ans en Juillet 1870

            Depuis le 19 septembre 1870 et jusqu’au 28 janvier1871, nous avons subi le Siège de Paris. Ce fut une période terrible pour nous car nous avons eu très faim.

            A partir du 16 octobre, la viande a commencé à être rationnée et la famille a reçu une carte.

Au début, nous avions droit à 100g de viande par jour et par personne (pour les adultes) et à 50g pour chaque enfant. Mais il fallait l’argent nécessaire pour l’acheter et nous n’en mangions qu’une fois par semaine.

Puis  nos rations ont encore diminué et on n’a plus eu droit qu’à 33 grammes.

Wikicollection.fr

            C’est pour cela que tous les jours Charles et Anna voulaient que j’achète du rat ou des oiseaux ou du chat pour pouvoir manger à leur faim.

            Mais je n’ai jamais cédé malgré leurs suppliques et ma douleur de les voir si malheureux

            Avant le siège, si nous ne mangions pas souvent de la viande, au moins nous avions du pain.

            Mais le 18 janvier, le gouvernement a décrété son rationnement, une tragédie pour nous comme pour tous les parisiens.

« Le pain de Paris, à partir du 20 janvier, n'était plus qu'un horrible mélange de toutes sortes de graines où le froment n'entrait que pour mémoire. La menue paille d'avoine s'y retrouvait tout entière, déchirant le gosier de ses aiguilles pénétrantes. Comme le son dominait dans ce pain et comme la vraie farine s'y trouvait en proportion insuffisante, il fallut suppléer par des additions de phosphate de chaux à l'absence des éléments nutritifs de la pâte.

On recueillit à cet effet des vieux ossements provenant des Catacombes, qui, réduits en farine, furent mêlés à celle qui sortait des moulins. Ainsi Paris, sans le savoir, mangea les os de ses ancêtres, comme cela eut lieu déjà lors du siège que lui fit subir Henri IV. »

Source: Paris pendant le siège, 1870-1871 / par Arnold Henryot, livre numérisé par Gallica.

Voilà ce qu’était une journée pour moi :

Ma journée était remplie tout entière par le soin de pourvoir à l'alimentation quotidienne du ménage.

Dès l'aube, d'interminables queues se déployaient dans toutes les rues à la porte des boulangers, des bouchers et des cantines municipales. Il ne fallait ni manquer l'heure, ni perdre le numéro d'ordre distribué le jour précédent. C'eût été un malheur irrémédiable.

Des heures entières s'écoulaient avant qu'on parvint à recevoir sa maigre pitance ; on attendait patiemment son tour, malgré le froid rigoureux, malgré la neige, malgré la pluie et malgré les obus qui vinrent souvent éclater.

Puis la municipalité de Paris organisa des cantines pour nourrir les quelques  500 000 parisiens affamés

 

            L’armistice fut signé le 28 janvier 1871 et dès le 4 février, à trois heures du matin, le premier convoi de ravitaillement entrait à Paris.

C'était la ligne d'Orléans qui avait pu, la première, réparer le désordre de sa voie, et qui gagnait le prix de vitesse dans ce steeple-chase de nos chemins de fer!

            Ce fut une période terrible pour nous 5 et elle nous a marqué profondément.

            Charles et Anna ont raconté l’histoire des chats, oiseaux et rats à leurs petits-enfants.

            Eux-mêmes l’ont racontée à leurs enfants et petits-enfants.

            C’est pour cela que, moi Odile D, arrière-petite-fille de Charles, je la connais.

            C’est pour cela qu’Odile H, arrière- petite-fille d’Anna, la connait aussi.

            Une autre version de la disette, celle de Pascal M, arrière-arrière-petit-fils de Charles : Quand il réussissait à se procurer une tartine de saindoux il s’estimait chanceux.

 

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C
Ce Paris qui pleure et qui souffre me tient particulièrement à cœur.
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V
La faim ... Quel fléau ... Que notre génération - dans notre monde - ne connait pas .... ou si peu
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V
La faim ... Quel fléau ... Que notre génération - dans notre monde - ne connait pas .... ou si peu
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