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Thérèse la centenaire

17 octobre 1955

 

            En ce lundi 17 octobre 1955, la famille Dumonceaux est réunie pour le déjeuner. Nous sommes au 4e étage et au 1 place de la Monnaie à Nantes.

            Pierre, 43 ans, Professeur de Lettres en 4e au Lycée Clemenceau en est revenu à pied  et est passé comme tous les jours à la boulangerie de la rue Voltaire. Il a acheté un pain moulé.

            Jacqueline, 38 ans, Professeur de Lettres Classiques au Lycée Guist’hau, n’avait pas cours ce matin-là. Elle a supervisé le travail de Marguerite, la bonne et préparé ses cours.

            Jacques, 11 ans ½ et Jean-Paul, 10 ans, tous 2 scolarisés au Petit Lycée qui deviendra  Jules Verne sont rentrés tout seuls à pied.

            J’ai 6 ans et suis dans la classe de Madame Larue à Guist’hau. C’est ma première année dans cet établissement.

            Dominique, 4 ans, y est aussi et  c’est sa première année d’école.

Je suis assise, la 2e à partir de la droite.

 

            A table, nous les enfants ne parlons pas beaucoup car nous avons faim.

Mon père explique à Jacqueline que la Poste vient de créer des bureaux de poste muets avec :

            Des machines à oblitérer les lettres

            Des distributeurs de timbres postaux

            Des balances automatiques.

Il attend avec impatience que ces machines soient installées à Nantes, lui qui écrit une fois par semaine à sa mère, « Madame R. Dumonceaux », pour nous Mamy.

            Se tournant vers nous les enfants, il nous informe qu’il va nous montrer après le repas, la photographie habituelle faite à Azy cet été. Il a fait un détour par le photographe de la rue Mercœur. Nous attendons avec impatience.

          Et il ajoute que pour lui, cette journée est particulière car sa grand-mère maternelle aurait eu 100 ans. Elle est morte, il y a déjà 17 ans mais qu’importe.

            Soudain, un coup de sonnette retentit, Pierre se lève et va ouvrir.

Nous l’entendons pousser une exclamation : « Toi, grand-mère Thérèse,  mais que fais-tu ici ? »

            Et nous voyons arriver une très très vieille dame, toute menue, qui explique :

            « Oui Pierre je suis là aujourd’hui car c’est le jour de mon anniversaire et j’ai 100 ans. 

            Bonjour, mes arrière-petits-enfants que je ne connais pas (je suis décédée en 1938) mais votre Mamy, ma fille m’a beaucoup parlé de vous. »

            Bien sûr, après quelques instants de silence, les questions fusent et ce sont surtout Jacques et Jean-Paul qui les posent.

            Es-tu bien notre arrière-grand-mère et pourquoi ?

Et c’est quoi une arrière-grand-mère demande Dominique.

Je suis la maman d’Henriette, votre Mamy, elle-même la maman de votre papa, Pierre.

            As-tu connu Papa, as-tu connu Maman?

Bien sûr, j’ai connu votre papa car j’habitais Azy et il venait en vacances avec ses parents.

Voici une photo de 1930 où je suis avec Robert et Henriette, les parents de Pierre.

L’autre photo date de 2021 et a été prise par mon arrière-petite-fille Odile.

Non je n’ai pas connu votre maman car ils se sont mariés en 1942 et je suis morte en 1938.

Où es-tu née, en France, as-tu des frères et sœurs ?

Je suis née en Alsace à Saint Hippolyte le 17 octobre 1855. J’ai eu 4 frères et 3 sœurs.

            Mon papa s’appelait Hippolyte Breitel et ma maman Marie Anne Heydorff.

            As-tu été mariée et où as-tu vécu ?

Je me suis mariée à Paris en 1884 avec Henri Rudler. Il était alsacien comme moi et travaillait comme employé tandis que j’étais cuisinière.

Nous avons eu une seule enfant, votre Mamy, Henriette née le 31 janvier 1885.

Jusqu’à la retraite de mon mari, nous habitions à Paris.

Puis nous sommes partis vivre à Azy dans la maison où vous allez en vacances.

Et  regardez les enfants, j’ai retrouvé une vieille carte postale datée du 13 octobre 1925.

               Elle a été écrite par votre papa pour mon anniversaire. C’était il y a 30 ans et devinez quel âge j’avais à l’époque.

Aussitôt Jacques et Jean-Paul disent : 70 ans.

Oui c’est cela, et Pierre avait 13 ans et Jean son frère 5 ans.                            Le bouquet était destiné au cimetière car grand-père est mort en 1923.

La carte représente un petit chat comme celui que j’avais à ce moment-là. Il s’appelait Mazou.

 

               J’ai 6 ans et mon étonnement est immense, cette vieille dame a vécu elle aussi à Azy.

            Après cette révélation qui me trouble, elle se lève et quitte soudain la salle à manger.

Je cours dans le couloir pour essayer de la rattraper mais elle a descendu les escaliers à toute vitesse et pris l’ascenseur. Quel dommage !!

Elle a disparu mais que de beaux souvenirs elle nous a confiés.

L’escalier allant au  dernier étage   

 

    Le hall d’entrée  de l'immeuble  où nous habitions

Les photos datent de 2017, des travaux se faisaient dans notre ancien appartement et avec Gilles nous avons pu monter et visiter quelques pièces et monter au grenier. C’était émouvant car nous (les Dumonceaux) avons quitté l’immeuble en 1960.

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