#Geneathème: L'hiver en généalogie
Le siège de Paris (1870-1871)
Certaines histoires familiales arrivent à traverser les années et le générations. C’est d’autant plus facile si les intéressés et leurs descendants les ont à maintes fois racontées.
Toute mon enfance et mon adolescence, j’ai été « bercée » par les récits de mes parents. Ils aimaient beaucoup évoquer leurs grands-parents et leurs parents.
Après le décès de mon père en 1984, ma mère a su continuer la tradition. Et des années plus tard j’ai pu la questionner.
Voilà donc le souvenir que Charles Dumonceaux (1860-1944), mon arrière-grand-père, aimait partager.
Au soir du 19 septembre 1870, conséquence de la défaite de Sedan et de la capitulation de l’empereur Napoléon III, Paris est encerclée par les Prussiens. Le gouvernement de la Défense nationale, soutenu en cela par la population parisienne, entend cependant continuer la lutte.
Deux millions d'habitants, de réfugiés et de soldats se voient donc pris au piège à l'intérieur des 33 kilomètres de fortifications et des 16 forts qui ceinturent la capitale.
Charles Dumonceaux est âgé de 10 ans et est scolarisé à l’école communale de la rue de Vaugirard.
La famille est composée des 2 parents et de 3 enfants.
Joseph, le père, a tout juste 45 ans et il est typographe.
Héloïse, la mère a 39 ans et est plumassière.
Amélie, la fille aînée a 15 ans et travaille déjà comme plumassière.
Charles, le seul garçon vivant a 10 ans et est écolier.
Anna, la dernière a 6 ans et va sans doute à l’école.
Outre ces 3 enfants, le couple a eu 4 garçons nés en 1851, 1852, 1863 et 1867.
Les 2 premiers placés en nourrice sont morts âgés de 15 jours. Le 3e décède à l’âge de 8 jours. Seul le dernier vivra 2 ans.
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Charles à 10 ans
Le siège, accompagné d’un hiver rigoureux, est difficile à tenir pour les Parisiens. Les réserves de nourriture pourtant très importantes - 25 000 œufs, 150 000 moutons, 2000 porcs, etc. –, sont rapidement consommées. La famine s’installe et oblige à chercher de nouvelles ressources. Les 70 000 chevaux présents dans la ville sont d’abord abattus. Viennent ensuite les chats, les chiens et même les rats dont on dira que, durant les 135 jours de siège, leur consommation fut l’humiliation la plus grave pour les Parisiens.
La viande a donc commencé à être rationnée et la famille a reçu une carte.
Au début, chacun avait droit à 100g de viande par jour et par personne (pour les adultes) et à 50g pour chaque enfant.
Mais il fallait l’argent nécessaire pour l’acheter et les Dumonceaux n’en mangeaient qu’une fois par semaine.
Puis les rations ont encore diminué et chacun n’a plus eu droit qu’à 33 grammes de viande.
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Quant au pain, à partir du 20 janvier, n'était plus qu'un horrible mélange de toutes sortes de graines où le froment n'entrait que pour mémoire. La menue paille d'avoine s'y retrouvait tout entière, déchirant le gosier de ses aiguilles pénétrantes. Comme le son dominait dans ce pain et comme la vraie farine s'y trouvait en proportion insuffisante, il fallut suppléer par des additions de phosphate de chaux à l'absence des éléments nutritifs de la pâte.
On recueillit à cet effet des vieux ossements provenant des Catacombes, qui, réduits en farine, furent mêlés à celle qui sortait des moulins. Ainsi Paris, sans le savoir, mangea les os de ses ancêtres, comme cela eut lieu déjà lors du siège que lui fit subir Henri IV. »
Source: Paris pendant le siège, 1870-1871 / par Arnold Henryot, livre numérisé par Gallica.
Malgré tout sur les marchés, on voyait encore des étals de bouchers mais avec de la viande spéciale.
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Et c’est ainsi que Charles et sa sœur Anna suppliaient leur mère d’acheter des chats, des rats et des oiseaux.
Ce fut certainement vrai car, outre moi, une arrière-petite-fille d’Anna, la sœur de Charles, connait cette histoire.
Une autre version de la disette, celle de Pascal , arrière-arrière-petit-fils de Charles : Quand il réussissait à se procurer une tartine de saindoux il s’estimait chanceux.
A la fin de l’année, il fut décider d’abattre les 2 éléphants du jardin d’acclimatation Castor et Pollux.
Cela ne profita pas aux parisiens tels que Charles et sa famille.
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Dans les restaurants de luxe, les menus proposent des animaux plus exotiques… C’est là qu’une célèbre affaire défraie la chronique de l’époque : la fin des éléphants Castor et Pollux ! Pour les repas de Noël et du réveillon, les deux pachydermes du jardin d’acclimatation furent en effet abattus et mangés : un « consommé d’éléphant » figure le 25 décembre à la carte du restaurant Voisin, et, le 31 décembre, des « escalopes d’éléphant, sauce aux échalotes » à celle du luxueux restaurant le Noël Peters.
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L’hiver fut aussi particulièrement rigoureux avec des pointes à moins 12°.
Il fallait donc se chauffer tout de même un peu.
Voici un extrait du Petit Journal du 30 décembre 1870
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Enfin, les Prussiens bombardèrent Paris sans relâche.
Parmi ceux-ci, celui du Boulevard Saint Germain, non loin du domicile des Dumonceaux.
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L’armistice est signée le 28 janvier 1871.
Cela entraine la fin du siège et l’ouverture des portes de Paris.
La vie reprend ses droits.