#ChallengAZ2024: Y comme Yolande Bonhomme
Y comme Yolande Bonhomme
La famille Bonhomme est une des plus anciennes familles de libraire-imprimeur.
Aspaïs Bonhomme est libraire-juré à Paris.
Pasquier Bonhomme, son fils, est libraire-imprimeur et exerce de 1468 à 1496.(Notice BNF ci-dessous)
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_ba48e4_pasquier-bonhomme.png)
Il aura 6 enfants, 4 fils puis 2 filles dont Yolande qui est la 5e.
Yolande est sans doute née vers 1490 et se marie vers 1508-1510 avec Thielman Kerver lui aussi libraire-imprimeur.
Pour lui, c’est un beau mariage car sa femme lui apporte de la notoriété.
En 1522, Yolande est veuve avec 5 enfants. Elle va prendre la succession de son mari et développer l’activité pendant plusieurs dizaines d’années jusqu’à son décès en 1557.
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_5c7e18_data-bnf.png)
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_c680b8_yolande-1524-1.png)
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_237514_yolande-1524-2.png)
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_c742dc_yolande-1539.png)
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_76d477_yolande-1540.png)
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_999d3f_yolande-1545.png)
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_c4c598_yolande-1545-2.png)
Dans le livre « Des femmes et des livres » publié par l’École Nationale des Chartes, un article d'Annie Parent-Charon, intitulé : A propos des femmes et des métiers du livre dans le Paris de la Renaissance
Femme d’affaires, la veuve de libraire défend âprement ses intérêts ; ainsi voyons-nous Yolande Bonhomme, en 1549, mettre fin à un différend qui l’opposait à un libraire du Mans avec qui elle avait fait imprimer de petits bréviaires du diocèse, le libraire « disant qu’il a payé à lad. veuve 77 l. t. ; lad. veuve soutenant que cette somme concerne une autre affaire ».
Femme de décision, la veuve de libraire a une marge d’initiative appréciable dans les commandes qui lui sont passées. Nous retrouvons là encore la veuve Kerver ; lorsqu’en 1550, elle se met d’accord avec un libraire de Besançon pour l’impression en rouge et noir de six cents missels, grand volume, à l’usage de Besançon, le modèle qui lui est fourni est en noir ; il lui faut donc décider de la distribution des parties imprimées en rouge et de celles laissées en noir ; de plus elle a l’initiative de l’illustration, puisqu’elle « sera tenue hystorier au mieulx que lui sera possible ».
Yolande Bonhomme, fière de son métier, n’a garde d’oublier, dans les quatre testaments qu’elle rédige entre 1541 et 1547, ses deux serviteurs, à qui elle donne de la marchandise de livres, et la confrérie des libraires Saint-Jean l’Évangéliste.
Très pieuse, elle multiplie les aumônes, les demandes de services. Consciente d’être une notabilité du quartier, elle demande que les chanoines, chapelains et curés de Saint-Benoît-le-Bien-Tourné assistent à ses obsèques, et elle donne soixante livres tournois à la communauté des chanoines de Saint-Benoît afin qu’ils prient pour elle.
Soucieuse d’assurer le repos de son âme et de montrer la réussite de sa famille, elle commande un certain nombre d’œuvres d’art destinées à orner les églises du quartier, une tapisserie, une pièce de cuivre, comprenant une crosse et quatre piliers garnis d’anges, un sépulcre de terre dont les « images auront six pieds de hault », à installer en l’église Saint-Benoît-le-Bien-Tourné ; pour cette dernière commande, elle donne des instructions très précises, pour « la plate forme du fond [de l’arche de la chapelle] qui sera faict en manière de rocher de brunes couleurs obscures à huille, et la voute de lad. arche de brun azur » et recommande que soient représentés « Notre Seigneur nud, couché de son long, de carnation en couleur de mort et son linge de dessous blanc, [...] la Vierge Marie, saint Jehan, Joseph Nychodesme, avec les trois Maryes estoffeez de blanc poliz en façon d’albatre », le tout dans des encadrements dorés avec « plusieurs enrichissemens de moresque ou antique ».
Ne reconnaît-on pas dans cette iconographie religieuse, si détaillée, la libraire spécialisée dans les livres de liturgie et de prières, qu’illustrent de nombreux bois ?
Ces commandes d’œuvres sont enfin l’occasion de manifester la réussite de la famille : lorsqu’en 1552, elle commande une verrière pour l’église des Filles-Dieu, elle demande que soient représentées sainte Geneviève et sainte Marguerite, un Ecce Homo, mais aussi « les marques de la maison de lad. Bonhomme »
Notice de Thierry Claerr, 2013 publiée dans le Dictionnaire des femmes de l’ancienne France
Petite-fille de Pasquier Bonhomme, l’un des premiers libraires jurés de l’université de Paris (actif entre 1468 à 1501), fille de Jean Ier Bonhomme, libraire de 1475 à 1529, Yolande Bonhomme épouse, entre 1508 et 1510, le libraire imprimeur Thielman Kerver, dont elle est veuve en 1522.
Mère de cinq enfants, dont Jacques Kerver, libraire imprimeur de 1535 à 1583, femme de forte personnalité, pleine de force et de détermination, elle reste à la tête de l’entreprise jusqu’à sa mort, en 1557.
Elle poursuit avec énergie ses créanciers, prend des risques, gagne de l’argent et en investit avec un sens financier aigu. Elle a visiblement les connaissances juridiques nécessaires pour protéger ses intérêts.
L’officine familiale possédant cinq presses, elle emploie sans doute entre quinze et vingt-cinq travailleurs et apprentis
. En 1539, par exemple, elle prend pour serviteur et apprenti pendant quatre ans Jacques Cocharot, âgé de treize ans et demi; en 1549, elle engage pour la même durée Alain Alcial, fils d’un laboureur de Sceaux.
En 1540, avec Charlotte Guillard, une autre veuve d’éditeur parisien, elle prête serment devant l’Université de Paris dans une affaire de plainte relative à la mauvaise qualité du papier à Paris et aux difficultés des libraires pour en obtenir un meilleur.
Yolande Bonhomme vit dans son grand hôtel de la rue Saint-Jacques, entourée de sa famille, de serviteurs, d’employés et de collègues.
Sa réussite professionnelle est marquée par l’évolution des qualificatifs qui la désignent dans les contrats: «veuve Kerver» en 1539, elle est en 1549 «marchande libraire» et en 1554 «bourgeoise de Paris».
Yolande Bonhomme publie plus de 200 titres entre 1523 et 1557. La grande majorité relève de la liturgie: 56 éditions différentes de livres d’Heures, 50 bréviaires et 35 missels. Le passage progressif des livres d’Heures aux bréviaires et aux missels reflète le changement général dans le goût et les intérêts du public.
L’imprimeuse fait aussi œuvre de mécène. Soucieuse d’assurer le repos de son âme et de montrer la réussite de sa famille, elle commande un certain nombre d’œuvres d’art destinées à orner les églises du quartier : une mise au tombeau en septembre 1539, une tapisserie en décembre 1547, une pièce de cuivre comprenant une crosse et quatre piliers garnis d’anges en novembre 1549, une verrière pour l’église des Filles-Dieu représentant notamment «les marques de la maison de ladite Bonhomme» en mai 1552.
Entre 1541 et 1550, Yolande Bonhomme passe cinq testaments devant notaires. Les directives pour ses funérailles ne varient jamais. Pieuse et consciente d’être une notabilité du quartier, elle demande dans chacun chandelles, torches, eau bénite, et de profundis prononcé sur sa tombe.
Elle réserve ses donations aux membres de sa propre famille, à l’exception de petits legs à ses serviteurs, mais à condition qu’ils continuent à travailler pour elle jusqu’à sa mort.
Ayant elle même dirigé sa maison jusqu’au bout, elle s’éteint le 9 juillet 1557 et est enterrée, comme elle le demandait dans ses testaments, dans l’église des Mathurins, près de son mari et de ses parents.
La longue et fructueuse carrière de Yolande Bonhomme illustre l’indépendance des veuves dans le monde du livre parisien au XVIe siècle, qui possèdent la capacité juridique pour exercer pleinement le métier d’imprimeur libraire.
Elle fait partie de ces femmes dont les recherches menées depuis le dernier quart du XXe siècle ont permis de retrouver la trace, de préciser la position au sein de la société et de mettre en valeur l’importance commerciale et entrepreneuriale.
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_a8d29f_rue-st-javcques-en-1550.png)
Plan de 1550
Bien que Yolande Bonhomme ait rapidement commencé à signer ses éditions de son propre nom, elle a continué à utiliser la marque déposée de son mari. La dernière page de ce volume de dévotion français présente la grande gravure sur métal que Thielman Kerver avait utilisée pour identifier ses livres. Représentant deux licornes soutenant son emblème, elle reprend le dessin de l'enseigne qui avait marqué l'imprimerie Kerver. Le nom de Bonhomme apparaît en lettres rouges en dessous.
/image%2F3046906%2F20241129%2Fob_e4f739_770597e8f717ec80b61fc094daa439f1.jpg)
Première publication sous le nom de Yolande Bonhomme
1539