Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les diplômes d’Henriette Rudler

 (1885 – 1973)

Patrimoine ou Matrimoine* ?

 

            A l’occasion des Journées du patrimoine vivant et du Généathème de Septembre, vous allez découvrir les diplômes de ma grand-mère Henriette Rudler épouse Dumonceaux.

            Je lui laisse la parole (souvenirs écrits en 1952 alors qu’elle avait 67 ans)

« Le jour de mon certificat d’études, il faisait une chaleur torride (en juillet), pour l’après-midi, il y avait couture et ma mère me donna 2 sous pour acheter des pastilles de menthe.

Quand j’entrais à Sophie Germain (École Primaire Supérieure Sophie Germain) j’avais 13 ans et demi.

Je travaillais bien et souvent je pensais à l’avenir, quand pourrais-je gagner quelque argent, ne plus être à la charge de mes parents et avoir un peu plus de liberté.

A part quelques camarades de milieu aisé, nous étions toutes asservies par les parents.

Après avoir été reçue au Brevet élémentaire, j’obtins le Certificat d’études primaires supérieures puis le Brevet supérieur.

A l’entrée en 4e année, on se séparait pour préparer le Concours de l’École Normale, mais sur 120 élèves des 3 classes, il n’y avait que 30 places pour préparer le concours de l’École Normale de Paris et les postulantes étaient nombreuses.

La Directrice conseilla à ma mère de me faire passer le concours pour Versailles, Melun ou Beauvais. Mais comme il fallait s’engager pour enseigner 10 ans, ils ne donnèrent pas suite à ce projet. »

Henriette Rudler est née à Paris le 31 janvier 1885. Elle sera mise en nourrice en Alsace chez ses grands-parents paternels jusqu’à l’âge de 4-5 ans.

Elle revient vivre chez ses parents qui habitent le 11e arrondissement et démarre sa scolarité à l’école de la cité Voltaire

            En juin 1896, elle est reçue au Certificat d’Études Primaires, elle a 11 ans et demi.

            On peut remarquer que sur le diplôme sont notées 2 mentions : coupe et couture.

 

Elle continue sa scolarité à l’école de la Cité Voltaire jusqu’en octobre 1898.

Elle est ensuite admise à l’École Primaire Supérieure Sophie Germain.

Henriette est au 1er rang, la 4e à partir de la droite

Photo non datée sans doute 1898 ou 1899

Diplôme obtenu en 1900

 

Diplôme obtenu en 1901

            A cette date, Henriette a 16 ans et demi et aurait aimé poursuivre ses études pour entrer à l’École Normale d’Institutrices, mais sa mère refusa.

            Quel avenir alors pour cette jeune fille ?

« La fille de la concierge de ma tante Caroline qui était établie boulevard Diderot et qui avait réussi le concours des chemins de fer de l’État me fournit tous les renseignements pour un concours à l’emploi de dame employée dans les bureaux.

 Je passais ce concours (nous étions 3 de Sophie Germain) et avons été reçues toutes les 3.

         J’aurais fait carrière dans les bureaux si je n’avais rencontré M. R. Dumonceaux, instituteur, un jour de matinée dansante au salon des familles, avenue de St Mandé. »

Henriette en 1903 (18 ans)   

En 1907, elle se marie avec Robert Dumonceaux, instituteur et continue à travailler aux Chemins de fer.

            Leur premier fils, Pierre, nait en 1912.

            Robert est mobilisé en aout 1914, blessé en 1915 et rendu à la vie civile en avril 1918 après plus d’un an de convalescence dans des hôpitaux en France.

Son souhait de devenir Institutrice ne se réalisera qu’en 1915, elle a alors 30 ans.

            En raison de la guerre de 14-18 et du départ au front de milliers d’instituteurs, on recruta des femmes.

C’est à partir de février 1915, qu’elle devint institutrice.

Tout d’abord sous un statut précaire. Puis elle fut titularisée comme remplaçante en banlieue parisienne.

            En 1922, son mari, Robert Dumonceaux (lui aussi instituteur de la Ville de Paris) est nommé Inspecteur Primaire à Melle dans les Deux-Sèvres.

Henriette sera titularisée à partir de cette date.

            Ensuite, Robert est nommé à Chartres de 1929 à 1938.

            Henriette devient Directrice de l’École maternelle annexe  de Chartres.

C’est une belle revanche sur le destin.

Chartres 1935     Henriette dans sa classe

 

En 1937, elle sera décorée de la médaille de bronze.

 

        Elle sera mise à la retraite d’office fin 1940 (elle a 55 ans et demi) après plus de 25 ans dans l’enseignement.

            Son fils aîné, Pierre né en 1912 (mon père) devint Professeur de Lycée après avoir passé l’agrégation de grammaire en 1937.

            Il épousa Jacqueline Mangou (née en 1916), elle aussi Professeure de lycée et agrégée en 1941.   Jacqueline était elle-même la fille de 2 instituteurs des Deux-Sèvres.

            Je devins Institutrice en 1991 à un peu plus de 40 ans.

Une de mes filles a été elle aussi Professeure de Classes Préparatoires (elle est agrégée)

            Le premier enseignant de la famille fut Charles Dumonceaux (1860 -1944), reçu à l’École Normale d’Auteuil en 1877.

            Puis 4 générations d’hommes et de femmes enseignants.

 

 *Matrimoine 

Du 13e  siècle à la fin de la Renaissance, le mot « matrimoine » est couramment utilisé dans le cadre des héritages. Puis il disparait totalement au 17e siècle après la création de l’Académie Française en 1634 et l’avènement de la grammaire moderne où le masculin devient dominant.

Depuis une bonne dizaine d’années, le mot est redécouvert et utilisé.

Désormais, on parle beaucoup de matrimoine culturel en tant qu’héritage culturel transmis par les femmes.

Si je l’ai employé à propos de ma grand-mère c’est parce qu’elle a légué en héritage la nécessité du travail pour les femmes.

Je ne suis pas sûre qu’elle en ait été consciente.

Mais sa belle-fille, ma mère, était très fière que sa mère et sa belle-mère aient travaillé toute leur vie à une époque où cela n’était pas très fréquent (hormis le monde ouvrier).

A la génération suivante (la mienne), il était impensable de ne pas exercer un métier.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Un intéressant parcours que celui d'Henriette, et une belle dynastie d'enseignants
Répondre
C
Quelle chance d'avoir tous ces diplômes !
Répondre